Pourquoi faut-il (parfois) penser à la mort ?

J'ai longtemps souhaité aborder le sujet de la mort, mais je repoussais le moment… J’avais clairement peur de me confronter à cette problématique parce que ça remue des choses en nous. En réalité, c'est un fait social : on préfère refouler la mort. Pourtant, méditer sur la mort, c’est réfléchir à la vie et à sa valeur.

Cécile

7/6/20252 min temps de lecture

“Marie-toi vite, Antigone, sois heureuse. La vie n’est pas ce que tu crois. C’est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-là.”

Jean Anouilh, Antigone

En lisant des ouvrages sur le sens de la vie et sur l’amour, je me suis retrouvée confrontée malgré moi à des réflexions sur la mort. Oh non ! Je me suis dit que ça allait me faire du mal, qu’il fallait que je sois prête et solide. Sauf que le moment parfait ne vient jamais et que lorsqu’on connaît des décès dans notre entourage, les dommages peuvent être bien plus violents. En fait, à l’image de ce qui se produit dans notre société, j’évitais le sujet.

“Il n'y a rien de plus morbide que cet évitement de la mort” : c’est ainsi que le philosophe Charles Pépin ouvre ce podcast de France inter (Sous le soleil de Platon, “Et si c’était notre rapport à la mort qui disait le mieux notre manière d’être vivants ?”). On pourrait résumer cette interview éclairante de Marion Waller, autrice du livre Redonner une place à nos morts : Nous confronter à la mort nous rend plus lucide et vivant. Paradoxal ? Pas tant que cela.

Quand on prend conscience de sa finitude régulièrement, on prend ses responsabilités quant à sa vie : Qu’est ce que je veux faire de ma vie ? Comment être à la hauteur du fait d’être vivant ? “Si on considère toujours et seulement [la mort] comme un sujet négatif, on perd de vue son pouvoir d’enrichir chaque instant.” (bell hooks, A propos d'amour) La conscience de la mort nous pousse donc à nous accomplir. Et en même temps, la sensation d’accomplissement atténue la peur de la mort. Tout bénéf’. Alors pourquoi on continue à éviter le sujet ?

Dans l’interview, plusieurs pistes sont évoquées : On est trop autocentrés pour prendre du temps pour le deuil. On a peur de la vulnérabilité de manière générale. On perd trop de temps dans des futilités. Et ça devient un cercle vicieux : on a peur du temps qui passe, donc on court.

Pour Charles Pépin le premier degré de réaction à la mort serait de vouloir tout vivre, tout de suite, intensément, et donc d’être sur-productif, sans pour autant profiter de chaque instant. L’attitude plus philosophique consisterait en un deuxième degré, celui de l’acceptation : vivre avec le mystère de la mort et apprendre à faire des choix. Donc, vivre en pensant à la mort et sans en être obsédé impliquerait de faire du tri et se demander : Quelles activités me donnent la sensation de perdre ma vie car elles ne m'aident pas à m'accomplir ? J’en parle déjà dans cet article : “Quel sens donner à ma vie ?”

Je conclurai avec ces mots de bell hooks : “Intégrer le fait que la mort demeure toujours auprès de nous nous permet de nous rappeler de manière fiable qu’il faut toujours faire dès maintenant ce que l’on se sent appelée à faire et non le renvoyer à un futur lointain et hypothétique.” Alors Go !