Avril : mon équilibre ne tient qu'à un fil ?

Je fais partie de ces rares personnes qui peut s'exclamer qu'elle aime sa routine de vie. Non pas parce que je fonce et vis à mille à l'heure, mais parce que je peux me consacrer du temps à moi-même et ainsi vivre plus en harmonie avec qui je suis. Sauf que quand on a l'impression d'avoir trouvé le bon équilibre, est-ce qu'on peut le conserver indéfiniment sans pour autant s'empêcher de vivre pleinement ?

Cécile

4/28/20253 min read

Pendant les premières semaines d'avril, j'ai eu beaucoup de travail et peu de temps pour moi. J'ai ressenti tout mon corps réclamer de la sérénité. J'ai eu une irrésistible envie de freiner, de lire, de m'inspirer, d'écrire, de m'écouter, d'assimiler ce que je vivais. Puis ça s'est tranquillisé et j'ai pu faire tout cela. J'ai retrouvé mon équilibre. Je me suis alors demandée si c'était possible de maintenir ce sentiment de paix intérieure de manière continue et à quel prix.

Ces dernières années, j'ai pris l'habitude de m'organiser une petite excursion en solitaire tous les six mois environ afin de me reconnecter avec moi-même. Au-delà de l'envie d'explorer et de m'inspirer, c'est surtout motivé par un besoin de casser la routine infernale dictée par la productivité. On n'a le temps de rien et encore moins de s'écouter.

Sauf que depuis que j'ai changé de travail, que j'ai plus de temps libre et que je vis seule, mon petit quotidien me convient bien. Cela fait donc un moment que je pense à partir au bord de la mer pour créer mais que je n'en ressens pas tant l'envie : je crée très bien chez moi et j'ai plus l'impression que changer mes habitudes briserait mon équilibre.

C'est plutôt bon signe ! Je ne ressens plus autant de stress, je n'ai plus l'impression d'être asphyxiée par mes obligations et je me sens généralement en paix avec moi-même. J'aime ma routine de vie ! Et c'est fou à quel point j'ai l'impression qu'on soit si peu à pouvoir le dire.

En fait, j'ai désormais la possibilité d'être flexible et de davantage occuper mes journées comme bon me semble. Régulièrement, je fais des activités similaires à lorsque je suis seule en vacances : je mets rarement de réveil, je lis plus, je m'allonge au soleil dans un parc, je marche en flânant dans les rues ou en écoutant des podcasts, je réfléchis à la vie, je me couche tôt. Finalement, je parviens à avoir un équilibre presque meilleur que lorsque je suis seule en vacances : en effet, je partage ma journée entre les activités solitaires qui rechargent mes batteries et les activités plus sociales.

Est-ce que ma petite vie paisible est ennuyante ? Je n'en ai pas l'impression, même s'il est vrai qu'on a tendance à valoriser les rebondissements. Après tout, une vie palpitante et romanesque, ça a l'air chouette vu de l'extérieur, mais dans la réalité, ça use. Et en même temps, n'est-ce pas le propre de la vie que de vivre (des péripéties) justement ? N'est-ce pas ce qui nous construit ?

Il est naturel de chercher à s'épargner les événements qui nous fragilisent, même si on ne peut pas tout contrôler. Le caractère éphémère de mon équilibre me permet justement de me motiver à vivre maintenant, tout de suite : savourer tant que je me sens bien ; créer et travailler sur mes projets tant que j'y crois ; aimer, tant que ces personnes sont dans ma vie… Mais alors, comment déterminer ce qui vaut la peine ou non d'être vécu, quitte à risquer son équilibre ? 

Ce qui me fait le plus douter quant à cette interrogation est l'amour. On sait toustes à quel point l'amour peut nous rendre vulnérable et dépendant·e et nous faire souffrir. Aimer ne risque-t-il pas de mettre en péril mon équilibre si fragile ?

Me vient en tête la chorégraphie du baiser extraite du ballet Le Parc créée en 1994 par Angelin Preljocaj sur une musique de Mozart. Quand on s'abandonne en amour, on fait corps avec l'autre, on flotte, on vole. Cet équilibre justement ne tient à rien : en un mouvement, on peut tomber et se faire très mal. Mais c'est justement ce qui fait que c'est touchant, en témoigne l'extrait ci-dessous. La clé serait-elle donc de non seulement accepter la vulnérabilité (de l'amour, du juste équilibre), mais surtout d'en saisir toute la beauté

Le déséquilibre fait partie de la vie, et on peut même affirmer que la vie est déséquilibre. Ce qui est vivant est en mouvement. Ce qui figé est mort. Vivre, n'est-ce pas bouger, faire des pas, avancer, au risque de tomber ? Alors en ce mois d'avril, je comprends qu'il faut que j'accepte d'être déséquilibrée. Je comprends que ce que ma responsabilité envers moi-même, c'est de travailler ma confiance en moi, qui est mon socle. Et je comprends que ce que je maîtrise, c'est bien ma capacité à savourer, à me relever et à avoir confiance en la vie.