La quête de sens nous rend-elle nombrilistes ?
Épanouissement, connaissance et expression de soi, quête de sens… Tous ces mots-clés sont ceux que j'emploie en permanence et ce sont les notions sur lesquelles je travaille. C'est essentiel, mais j'ai pris conscience qu'il arrive un temps où il faut regarder au-delà de sa propre vie intérieure. Je me demande alors : Est-ce que je fais trop passer mon bien-être et mon bonheur avant celui des autres ?
Cécile
2/21/20255 min read
Je suis une personne très introspective, surtout en période hivernale. Je sens que ça me fait du bien de m'écouter, mieux me connaître, évoluer. Pourtant, j'ai bien conscience que tout ne doit pas tourner autour de ma personne, qu'il faut parfois arrêter de se regarder le nombril pour remettre en perspective notre place dans notre environnement et notre société.
Le roman Loin d'Alexis Michalik m'a captivée, j'ai adoré (j'en parle aussi ici). Seulement voilà, une chose m'a questionnée, c'est que ce père qui abandonne sans prévenir sa femme enceinte et son jeune fils soit presque excusé de son geste parce qu'il l'a fait au nom de l'aventure et de la quête de soi. Vingt ans plus tard, le fils refait la même démarche pour comprendre d'où il vient et pour apprendre qui il est. Au nom de notre propre épanouissement, dans quelle mesure peut-on lâcher nos obligations ? Qu'en est-il lorsque notre bien-être est compromis mais que nous sommes engagés auprès d'autres personnes ? Il y a bien mille exemples de décisions de ruptures (amoureuses, familiales, sociales) : quitter l'autre pour se recentrer sur soi. Voyager, partir sur un coup de tête, ne pas forcément être là pour mes proches lorsqu'ils en ont besoin parce que je suis loin, ça fait parti de mon quotidien depuis des années. Mais j'avais besoin de cela pour me reconnecter à moi-même. Je me demande alors si la connaissance de soi et la quête de sens justifie toujours le fait de se faire passer en premier.
Respecter mon espace, connaître mes limites, prioriser mon bien-être… Mais jusqu'où cela doit-il aller ? En amour, en amitié, dans la famille, j'ai envie de connexion avec les autres, mais (par peur, peut-être), je choisis d'abord la connexion avec moi-même. Et c'est aussi normal, dans une société qui valorise l'individualité, de ne pas avoir tendance à se faire passer au second plan. Mais alors quand est-ce que c'est bien de le faire, et quand est-ce que ça ne l'est pas ? Comment aimer, sans se perdre. Comment vivre, voyager, penser, sans s'isoler. Comment donner de son temps et de son énergie, sans s'oublier. Comment trouver l'équilibre subtil entre l'attention qu’on porte à soi et celle qu’on porte aux autres ?
La quête de sens est un luxe lorsqu'on se compare à ceux qui ne peuvent même pas combler leurs besoins primaires, en vivant dans la pauvreté ou dans la guerre. C'est la pensée qui m'a traversée, alors que j'avais entre les mains dans le métro le livre Ikigai au moment où un homme sans abri partageait sa détresse dans un discours désespéré. On ne va pas se priver d'être heureux même si les autres autour de nous ne le sont pas. Mais comment concilier une quête de sens individuelle avec les besoins sociaux ?
Le philosophe André Comte-Sponville, interviewé dans le podcast de Radio France "Le Souffle de la pensée", nous partage cette révélation qu'il a eu à la lecture d'Épicure. On peut être engagé politiquement et vouloir changer le monde, mais "on ne va pas attendre la révolution" : il faut commencer à être heureux à partir de maintenant. L'engagement politique et la quête du bonheur seraient deux combats à mener de front, ensemble, mais aussi séparément. Se sentir coupable de chercher à s'épanouir n'est donc pas la solution.
Malgré tout, j'étais encore en quête de réponses. On ne peut pas mener une double vie, partagée entre soi et l'autre. Dans L'Alchimiste de Paulo Coelho - roman absolument magnifique sur la quête de sens -, j'avais été un peu choquée par l'attitude du personnage principal qui rencontre l'amour lors de son voyage mais doit continuer sa route : la priorité est de se trouver soi-même, la femme l'attendra. Si chacun priorise toujours sa propre quête, à quel moment entre-t-on en connexion avec l'autre ? Admettons que plusieurs quêtes soient alignées, elles ne vont pas l'être éternellement.
Dès lors, la question essentielle à se poser serait la suivante : Notre attention à nous-mêmes nous isole-t-elle ou nous relie-t-elle davantage aux autres ? En voulant se préserver coûte que coûte et s'écouter au détriment des autres, on risque de perdre l'amour et l'amitié de notre entourage. Si, au contraire, en prenant soin de soi, on devient plus à l’écoute, plus aimant, plus ouvert… alors cette introspection est fertile. Être une bonne personne, c'est être une bonne compagnie pour l'autre, c'est lui faire du bien tout en s'en faisant aussi.
Cette recherche du juste équilibre est présente dans le concept japonais d'ikigai. Il a été vulgarisé (il y a des tests de personnalités pour trouver le métier qui nous convient…), mais en réalité, c'est bien plus que cela : c'est un véritable art de vivre au Japon. Trouver sa raison d'être n'est pas considéré comme quelque chose d'égoïste dans la mesure où cela consiste à faire ce qui nous convient et qui convient aussi à la société. Une des questions centrales, hormis celles de concilier ce qu'on aime, ce pour quoi on est doué et ce pour quoi on pourrait être payé, est de savoir ce dont le monde a besoin. Cela nous permet de discerner nos valeurs : l'un sera plus sensible à l'injustice, l'autre à l'égalité, ou encore l'entraide, la joie... Alors, la perspective de quête de sens n'est plus autocentrée, elle sert une noble cause. Pour explorer tout cela plus largement, je recommande vivement le livre Ikigai, Le secret des japonais pour une vie longue et heureuse de Héctor García et Francesc Miralles (en espagnol dans sa version originale pour celles et ceux qui le peuvent).
Finalement, dans tous les cas, ce n'est jamais facile de tout concilier. Ça prend du temps de s'ajuster. La Cécile tournée vers les autres se demande si elle est égocentrique en écrivant ce blog ; la Cécile autocentrée se dit qu'il faut qu'elle fasse preuve de tolérance envers elle-même. Alors, j'ai eu envie, en plus de l'attention que je me donne à écrire parce que ça me fait du bien, de donner de l'attention à mes lecteurs et lectrices. Je vous propose de faire des envois postaux, de temps à autre, de quelques articles, inspirations, créations (contenu et fréquence à définir), parce que ça fait toujours chaud au cœur que l'autre prenne du temps pour soi, et ça donne envie de donner aux autres en retour. Si cette démarche te plaît, tu peux me partager tes coordonnées ici. Merci pour tout ♡

