Tabous - Il est temps d'être enfin soi-même 1/3
Alors que je viens d'avoir 30 ans, je constate qu'il y a encore des choses dont j'ai honte, que je n'assume pas ou que je n'ose pas faire. J'essaie de comprendre ce qui me bloque à être pleinement moi-même. Comment me libérer ? Est-ce qu'on m'empêche d'être libre ou est-ce que j'en ai tout simplement peur ? Première partie de ma réflexion ici.
Cécile
3/18/20256 min read
Les années passent et je me rends compte que je n'ai plus le temps et l'énergie de faire semblant. C'est donc avec une sorte de sagesse nouvelle que je décide de lâcher prise sur mes tabous et mes blocages. Objectif : me sentir légère et libre, pour mieux vivre avec moi-même et avec les autres. Mais il ne s'agit pas non plus que de moi, là-dedans : je rêve d'un idéal où chacun·e s'assume, n'a plus peur de s'ouvrir, de s'engager et de trouver sa place.
J'ai construit cet article en triptyque au fur et à mesure que ma pensée évoluait :
Article 1/3 : Qu'est-ce qui m'empêche d'être moi-même ? La société, les tabous, les attentes, les autres. Ce qui est extérieur à moi et a transformé ou bridé ma personnalité.
Article 2/3 : Comment revenir à la personne que j'étais à l'origine ? Le retour à la personne originelle et à l'enfance.
Article 3/3 : Comment me libérer de l'angoisse de ne pas être acceptée pour qui je suis ? La peur du rejet.
Tabous et censure de soi
Afin d'identifier ce qui m'empêche encore d'être moi-même, j'ai commencé par me demander : Qu'est-ce que je n'assume pas ? De quoi ai-je honte ? Qu'est-ce que je n'ose pas faire ? Et puis, j'ai essayé de comprendre de quoi j'ai peur.
Les mœurs évoluent, et pourtant, certains tabous sont encore bien persistants. Pour ma part, je me censure parfois, dans mes gestes, dans mes paroles, dans mes sentiments, dans mes prises de position. Concrètement, être pleinement moi-même passerait par assumer totalement auprès des autres mon corps (mon poids, mes poils) et mes émotions (me sentir vulnérable, dépendante), parler librement de sexualité et de plaisir, partager mes goûts (musicaux) sans limite, et mes idées (politiques) sans complexe.
J'ai aussi encore du mal à oser prendre de la place, physiquement ou dans le dialogue. Il m'arrive d'avoir l'impression que mes cheveux frisés volumineux sont trop visibles. J'ai tendance à ne pas toujours me tenir bien droite la tête haute. Je n'ose pas toujours me mettre en première file à un cours de danse et à réaliser fièrement des mouvements amples. J'ai peur de publier mes projets, de relancer, pour ne pas déranger ou envahir l'espace de l'autre. Ce n'est pas systématique, mais ça m'arrive.
Tout cela est lié à mon rapport à autrui et à la société. Avant 25 ans, j'ai surtout pris mes décisions en fonction du regard des autres, et je suis consciente que je ne suis pas la seule à avoir cédé à la pression sociale dans mes choix de vie. Depuis, je travaille à mener la vie qui me plaît vraiment, à moi. Pourquoi c'est si dur de s'écouter et de choisir la liberté ?
Les blocages que je mentionne précédemment sont liés à l'éducation que l'on reçoit et au regard que posent les autres sur nous. Notre rapport au corps et aux émotions, nos opinions, nos comportements… ils sont influencés par cet œil extérieur qui juge ce qui est bien ou non de faire, de dire ou de montrer. Au nom de quoi doit-on se limiter ?
Bridée par la société au nom du bien commun ?
Le sentiment de ne pas se sentir soi-même pleinement vient de la friction entre qui on pourrait être sans limite et ce qu'on attend de nous. Dans mon cas, je dirais que je me soumets à ce qu'on attend d'une personne civilisée, ce qu'on attend d'un individu qui a reçu une bonne éducation, ou encore ce qu'on attend d'une femme…
J'ai l'impression que me comporter en personne civilisée bénéficie à toustes : cela permet de respecter les autres (par exemple, s'empêcher certains gestes déplacés ou des paroles blessantes). Après tout, si à l'origine on a instauré des règles et définis des tabous, c'est pour pouvoir mieux vivre en société. Malgré tout, je remarque qu'il y a des actes de censure de ma part qui ne bénéficient qu'à une certaine partie de la population.
Opter pour la trajectoire professionnelle attendue par la société ou le cadre familial ne m'apporte pas d'épanouissement à moi et bénéficie surtout au système politique. M'adapter à ce qu'on attend de moi en tant que femme ne me bénéficie pas à moi et semble surtout bénéficier au schéma patriarcal… J'essaie de ne pas émettre de jugement, seulement de constater que certains sacrifices de ma liberté ne me semblent pas justes.
Il y a des choses que j'aimerais dire ou faire, mais notre éducation, à nous les filles, ne nous y autorise pas toujours. Voici quelques exemples.
On nous inculque dès le plus jeune âge à être discrètes et à nous faire toutes petites. Je ne me sens pas autorisée à assumer pleinement ma présence dans l'espace public. Comme si c'était mieux de baisser la tête et le regard, de ne pas trop attirer l'attention, de ne pas me montrer trop fière et confiante.
On nous inculque à être obéissantes et souriantes. J'ai été cette première de classe, cette jeune fille qui a accepté de se fondre dans un moule pour ne fâcher personne. Aujourd'hui encore, mon attitude n'est jamais vraiment risquée. C'est difficile pour moi d'oser. J'ai sans doute peur d'être jugée, d'être rejetée, en dévoilant qui je suis vraiment.
Est-ce que tout ça me bénéficie à moi ? Est-ce que ça nous bénéficie à nous, les femmes ? La réponse est plutôt évidente… Mais malgré la prise de conscience d'être bridée injustement, je ne parviens pas à me libérer. Frustrée, je ressens un désir croissant de lâcher prise, de me défouler, de compenser de manière plus ou moins saine, par l'alcool, la fête, la danse, l'écriture… Et ça ne résout bien sûr pas le problème de fond. Comment faire si je veux exister autrement que par le regard des autres (= des hommes, de ma famille, de la société) ?
Être soi-même, mais à quel prix ?
La figure de Françoise Sagan, que j'ai découverte plus en détail grâce au documentaire d'Arte "Bonjour Sagan", m'a beaucoup parlé. On y découvre une jeune fille libre, dans une société au sein de laquelle les femmes ne l'étaient pourtant pas autant qu'aujourd'hui. Assumer ses choix et ses envies, profiter de la vie, c'était perçu comme une provocation. Sagan était considérée comme une écrivaine intellectuelle, mais elle n’avait pas honte de dire aux journalistes qu’elle aimait s’amuser et qu’elle était paresseuse. Elle ne s'indigne jamais des questions misogynes des journalistes et y répond avec sagesse : ça lui passe complètement au-dessus, elle ne rentre pas dans leur jeu. Ce que j'aime, c'est qu'elle était dans la transgression mais sans le chercher : elle ne voulait pas choquer, elle voulait seulement être elle-même. Elle vit sa vie, même si ça fait jaser.
Pourquoi une femme libre et audacieuse, ça fait encore scandale ? La femme libre, certainement, fait peur parce qu'elle menace le système actuel : elle ose dire ce qu'elle pense, faire ce qu'elle veut, être qui elle veut être, et ainsi, elle montre les limites sociales et refuse la domination. J'ai alors compris que j'ai peur d'être moi-même car cela requiert forcément de s'opposer, de subir des regards et des critiques, de se faire des ennemis. Comment ne pas se sentir heurté dans son ego, même si j'essaie de me convaincre que souvent, ce n'est pas ma personne qu'on attaque : les autres ne font que projeter leurs propres peurs face au changement et tentent de nous remettre à la place qu'on attend de nous.
En fait, pour exister autrement que par le regard des autres, il faut s'en foutre. Et ça, j'ai beaucoup de mal ! Pourquoi est-ce que je peine à m'éloigner de ce qu'on attend de moi ? Pourquoi est-ce que je porte autant d'importance à ce qu'on pense de moi ?
Vous l'aurez sans doute remarqué, dans cette première partie, comme j'exprime ma frustration, je suis animée par une sorte de haine : contre la société et contre le patriarcat. Toutefois, ma réflexion a évolué en me rendant compte que j'avais aussi ma part de responsabilité. Ce n'est pas en étant guidée par une émotion négative que je révélerai ma vraie personne et m'épanouirait.
En fait, je suis parvenue à la conclusion que le tabou est lié à un manque d'amour. S'aimer soi-même avec ses différences et ses imperfections ; aimer les autres, en s'offrant tel.le qu'on est et en les acceptant en retour tels qu'ils sont. Si on s'empêche d'être soi-même, c'est parce qu'on a peur de ne pas être accepté. Et si ça fait mal de se sentir rejeté·e, c'est bien à cause de cette carence en amour. Dans les suites de cet article, j'essaierai donc de comprendre comment revenir aux sources de mon être et d'analyser comment me débarrasser de cette peur du rejet. Sur fond d'amour de soi et de tolérance, bien sûr !
